Remise en cause du contrat du maître d’œuvre dans le contexte de la crise sanitaire et économique provoquée par la pandémie due au Covid-19

vendredi 29 mai 2020

 

Un maître d’ouvrage ne saurait en principe unilatéralement résilier ou suspendre l’exécution du contrat d’architecte ou d’ingénieur-conseil, et dans ce second cas encore moins pour une longue durée ou une durée indéterminée.

Le contrat lie les parties (art. 1134 du Code civil (CC)) et ne peut être résilié unilatéralement par le maître d’ouvrage ou sans justification. Par exception, en cas de marché forfaitaire, la résiliation unilatérale est possible, mais moyennant indemnisation du prestataire (art. 1794 CC).

En cas d’abandon de projets, certains maîtres d’ouvrage invoquent dans le contexte de la crise actuelle, le cas de force majeure, exonératoire (art. 1148 CC).

Or selon la doctrine luxembourgeoise, pour permettre de libérer le débiteur de son obligation, il faut qu’il y ait une impossibilité d’exécution qui doit être totale et définitive. Une impossibilité d’exécution temporaire ou partielle ne constitue pas un cas de force majeure (cf. Georges Ravarani, La responsabilité civile des personnes privées et publiques, 3ème édition, Pasicrisie 2014, no. 1075).

Sous ces auspices, depuis la reprise des chantiers, le maître d’ouvrage ne peut invoquer per se la situation de crise provoquée par le Covid-19 pour suspendre ou rompre le marché.

Par ailleurs pour rappel, le contrat-type d’architecte OAI (secteur privé), prévoit - en son article 24 - que confronté à une telle résiliation, l’architecte a « droit aux honoraires contractuels pour les prestations effectuées et à 30% des honoraires pour les prestations non encore fournies ».

Cette disposition ne saurait être contournée au motif factice d’une simple mise en suspend du contrat, en violation de l’obligation d’exécution de bonne foi des conventions (art. 1134 CC). Sauf justification dirimante, le maître d’ouvrage ne peut suspendre unilatéralement l’exécution du contrat d’architecte ou d’ingénieur-conseil.

Il est observé que des clauses similaires (à l’article 24 précité) sont recommandées par les Ordres des architectes français et belges et sont appliquées par les juridictions (cf. par ex. Cour d’Appel de Toulouse, 8 févr. 2016, n° 14/05594). En Belgique, la Commission des Clauses abusives a reconnu (dans un avis du 16 décembre 2009) comme étant non abusive une clause de résiliation comparable (paiement à l’architecte de 20% des honoraires encore dus pour la partie restante de la mission).

Il résulte de ce qui précède que le maître d’ouvrage est en principe tenu de payer l’indemnité de rupture en cause en cas d’abandon du projet et qu’il ne saurait éluder ses obligations contractuelles en prétextant sans justification et de manière vague qu’il s’agirait d’une simple suspension du contrat, laquelle ne saurait être imposée unilatéralement.

Il convient dans ce cas de mettre en demeure le maître d’ouvrage, par lettre recommandée, de respecter ses engagements contractuels, et au besoin de recourir au service d’un avocat si les circonstances le justifient.

Cette conclusion étant faite, il va sans dire toutefois que l’OAI ne peut qu’encourager ses membres à tenter de résoudre tout différend par le dialogue et en faisant montre de flexibilité en présence d’un maître d’ouvrage profane de bonne foi (et a fortiori si le client est un simple particulier) qui éprouve des difficultés économiques réelles dans le contexte de la crise actuelle et qui obèrent le financement et donc la poursuite immédiate du projet.

 

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