Force majeure et obligations contractuelles des membres OAI

jeudi 2 avril 2020

 

Nous vous recommandons d’analyser les stipulations de vos contrats en cours portant sur les difficultés d’exécution et les conditions d’invocation d’un cas de force majeure ou de circonstances exceptionnelles, si de telles stipulations sont expressément prévues, et d’avertir par écrit (par courriels ou par lettres et au besoin avec accusés de réception) et dans les meilleurs délais vos clients, en précisant les difficultés rencontrées ou prévisibles relatives au maintien des engagements, au sort des projets, et l’impact de la crise Covid-19 sur vos obligations contractuelles.

Les chantiers de construction ont été fermés à partir du 20 mars 2020 (exception faite des chantiers hospitaliers), cette fermeture ayant été ordonnée par le Gouvernement sur base du règlement grand-ducal du 18 mars 2020 portant introduction d’une série de mesures dans le cadre de la lutte contre le Covid-19.

Si la durée de la pandémie et de l’état de crise reste incertaine à l’heure actuelle, il est patent que les plannings et dates d’achèvement des ouvrages, dont l’exécution a ainsi été brutalement suspendue, accuseront un retard considérable. Même une fois levées les mesures restrictives, le redémarrage des chantiers – qui devront être réapprovisionnés en fournitures et matériaux – ne pourra être que progressif.

L’élaboration des projets actuellement en phase de conception est également susceptible d’être retardée, notamment pour les bureaux moins outillés pour le télétravail ou plus affectés par les mesures de confinement imposées à leurs salariés. En outre les consultations et le dialogue avec les maîtres d’ouvrage et les autorités administratives, indispensable lors de l’élaboration des projets pour amener ces derniers à maturité, est en pratique devenu plus difficile du fait des restrictions administratives.

Dans le contexte de cette crise sans précédent, nous avons été saisis à juste titre par plusieurs membres s’interrogeant sur le sort ou la poursuite des contrats conclus avec des maîtres d’ouvrage, en particulier du secteur privé, et sollicitant un éclaircissement quant à la notion de « force majeure ».

La notion de « force majeure » se trouve consacrée par plusieurs dispositions du Code civil, dont en notamment l’article 1148[1] qui exclut l’application de dommages et intérêt à l’encontre du débiteur d’une obligation contractuelle, suite à une inexécution causée par un cas de force majeure.

Toutefois, au contraire du Code civil français[2], le Code civil luxembourgeois ne comporte pas une définition de la « force majeure ».

Mais selon la jurisprudence, la force majeure permettant de libérer le débiteur de son obligation doit présenter trois critères cumulatifs, à savoir l’extériorité (l’événement est extérieur à la personne mise en cause), l’imprévisibilité (à la date de signature du contrat) dans la survenance de l’événement et l’irrésistibilité (un événement insurmontable dont on ne peut éviter les effets par des mesures appropriées).

Si le contrat a été conclu avant la date à laquelle le Covid-19 a été qualifié d’épidémie, il pourrait être considéré que l’impact du Covid-19 n’était pas prévisible et constitue un évènement de force majeure. A l’inverse, si la signature du contrat est postérieure au début de l’épidémie, l’entreprise qui l’invoque risque de ne pas réussir à démontrer le caractère imprévisible de cet évènement.

Dans le présent cas, l’ampleur inédite de l’épidémie de coronavirus (Covid-19), les mesures strictes et sans précédent édictées par le Gouvernement, ainsi que les déclarations de l’OMS[3] devraient constituer des arguments infrangibles pour soutenir que la pandémie actuelle est constitutive d’un évènement de force majeure en droit luxembourgeois pour tout le secteur de la construction.

Il est à noter que la force majeure suspend en principe l’exécution du contrat, mais ne fait pas disparaître complément l’obligation de l’exécuter. Autrement dit, toutes les obligations qui ne peuvent être actuellement honorées doivent être reportées et devront être réalisées dès que la situation le permettra.

En tout état de cause l’OAI conseille à se ses membres d’analyser les stipulations de leurs contrats en cours portant sur les difficultés d’exécution et les conditions d’invocation d’un cas de force majeure ou de circonstances exceptionnelles, si de telles stipulations sont expressément prévues.

Il est également recommandé d’avertir par écrit (par courriels ou par lettres et au besoin avec accusés de réception) et dans les meilleurs délais les clients, en précisant les difficultés rencontrées ou prévisibles relatives au maintien des engagements et au sort des projets.

Même si l’exercice est difficile, alors notamment que nul ne connaît à la date d’aujourd’hui la durée de l’état de crise et de la fermeture des chantiers, nous vous recommandons ainsi d’évaluer l’impact de la crise Covid-19 sur vos obligations contractuelles et d’informer par écrit vos clients à ce sujet.

Citons à titre d’exemples :

  • Les études de conception que vous êtes en mesure d’effectuer (p.ex. par télétravail), mais pour lesquelles vous êtes dépendants d’intervenants externes ou d’autres acteurs de la maîtrise d’œuvre, ce qui ne vous permettra pas de tenir les délais annoncés ;
  • L’impact sur le délai de vos projets en phase chantier au regard des circonstances actuelles et sans préjudice de leur évolution dans les prochaines semaines.

Il s’agit en définitive de s’acquitter de l’obligation contractuelle de renseignement et de conseils du maître d’œuvre à l’égard de leurs clients et maîtres d’ouvrage.

Pierre HURT
Directeur OAI

 

[1] Art. 1148 : « Il n'y a lieu à aucuns dommages et intérêts lorsque, par suite d'une force majeure ou d'un cas fortuit, le débiteur a été empêché de donner ou de faire ce à quoi il était obligé, ou a fait ce qui lui était interdit » (Section IV - Des dommages et intérêts résultant de l'inexécution de l'obligation).

[2] Code civil français, art. 1218 : « Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu'un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l'exécution de son obligation par le débiteur.

Si l'empêchement est temporaire, l'exécution de l'obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. Si l'empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux articles 1351 et 1351-1 ».

[3] En effet, le 30 janvier 2020, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a déclaré que le Covid-19 constituait une urgence de santé publique de portée internationale.

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